L’idée de lancer une activité de réparation des voitures électriques est née en 2020 au sein d’une équipe qui ne comptait paradoxalement pas de techniciens mais un directeur-artistique, le Nantais Raphaël Daguet, un financier, le Lyonnais Lucas Mesquita, et un spécialiste du marketing produit, le Parisien Alexis Marcadet. Deux techniciens expérimentés les ont ensuite rejoints, Jérémie Noirot et Erwan Lefèvre.
Aujourd’hui, l’équipe s’est structurée autour de ces deux experts ainsi que de Rémy Lê, ancien de la Belle Vie, une des premières start-up de livraison de courses à domicile et toujours d’Alexis Marcadet qui a participé au lancement d’un réseau de covoiturage à Bruxelles, Paris et Lyon puis à celui de Cityscoot, des scooters partagés. Fort de leurs profils complémentaires et de leurs réussites précédentes, ils affichent de grandes ambitions pour leur Révolte e-garage, fondé à Nantes en 2021.
Au départ, ces créateurs ont récupéré, par le bouche-à-oreille, les voitures en panne des pionniers de la mobilité électrique, ceux qui ont acheté une telle voiture entre 2010 et 2013. Pour certaines, les constructeurs avaient disparu. Exemple avec les Mia, une petite citadine française mais aussi des italiennes Tazzari, et des norvégiennes Th !nk, deux sans permis. Ou encore des Bluecar de Bolloré retirées des grandes villes où elles servaient à l’autopartage et revendues. Réparer ces voitures électriques “orphelines” s’est révélé être un “enfer” selon Alexis Marcadet. “Il n’y a souvent pas d’archives. Il faut à la fois avoir une logique de hacker et de garagiste.” Ces passionnés se sont investis sans réserve et sans objectif de rentabilité mais ils ont ainsi pu acquérir une expérience précieuse.
Pour les “révoltés” comme ils se surnomment, il y a pourtant une autre solution qui passe par un examen minutieux de la voiture pour ne changer que la pièce défectueuse. Exemple : les pannes fréquentes des calculateurs, les BNS, véritables cerveaux des batteries, ou des modules des batteries eux-mêmes.
Même scénario avec les voitures de grands constructeurs. Leurs propriétaires pouvaient, eux, s’adresser à un réseau de concessionnaires, mais, hors garantie, ils en ressortaient souvent avec des devis dissuasifs. “Après être passés sans succès par plusieurs garages car ils n’ont pas tous le même niveau d’expertise électrique, ils finissaient par obtenir un diagnostic qui se soldait par une proposition de remplacement de la batterie. Soit 5 000 € à 7 000 €”, explique Alexis Marcadet, “C’est comme si vous alliez consulter votre généraliste pour une toux et qu’il vous envoyait aussitôt chez un pneumologue qui vous proposait directement la greffe du poumon !”
Pour les “révoltés” comme ils se surnomment, il y a pourtant une autre solution qui passe par un examen minutieux de la voiture pour ne changer que la pièce défectueuse. Exemple : les pannes fréquentes des calculateurs, les BNS, véritables cerveaux des batteries, ou des modules des batteries eux-mêmes. Ce qui exige beaucoup plus de temps que le changement standard d’une batterie.
“Ce temps consacré aux premières pannes a construit notre légitimité. On est passés pour les Dr House de la voiture électrique”, se souvient Alexis Marcadet, “Parfois, il nous a fallu trois mois pour détecter une panne qu’on résout aujourd’hui en trois heures.” Age moyen des voitures prises en charge : sept ans. Pourtant, Alexis Marcadet ne veut pas jeter
la pierre à ces grands constructeurs qui semblent parfois dépassés par les pannes des voitures électriques et le SAV à assurer.
“Ils doivent piloter l’évolution d’un réseau qui compte des centaines de milliers de personnes avec la montée en charge de procédés de réparations complexes.” Ce retard à l’allumage des grands constructeurs, c’est à la fois un credo et un créneau pour Révolte e-garage. Un credo car certains constructeurs sont accusés d’appliquer une stratégie d’obsolescence programmée de leurs voitures électriques. A commencer par Tesla qui rend l’accès de ses batteries très difficile par leur conception, aussi bien d’un point
informatique que d’un point de vue physique. Le loueur Hertz, qui avait acquis 100 000 de ces américaines en 2022, en a revendues 20 000 début 2024 en mettant en avant leur coût d’entretien. Les assureurs se plaignaient aussi que des Tesla finissent à la casse pour un petit choc.
“Il y aura des garages branchés en Auvergne- Rhône-Alpes”, assure Alexis Marcadet qui prévoit même une forte demande dans cette région. Ce qui devrait justifier le troisième étage de la fusée : l’ouverture d’un centre support par Revolte e-garages en Auvergne-Rhône-Alpes. “
Un créneau car ces pionniers ont décidé de partager leurs compétences avec trois étapes de développement. Tout d’abord une formation proposée aux réparateurs indépendants. “Pauline qui nous a rejoints, a créé un parcours de formation agréé qualiopi en deux mois et on aura formé 300 personnes d’ici la fin de l’année”, se félicite Alexis Marcadet.
Ils ont ensuite lancé en avril 2024 un réseau de “Garage Branchés” qui peuvent bénéficier de leur expérience selon des formules d’assistance à la carte. Plutôt que de lancer leurs propres garages à différents coins du territoire, ils préfèrent jouer le rôle de garage-ressource. 200 garages s’étaient pré-inscrits dans la phase de lancement.
“Il y aura des garages branchés en Auvergne- Rhône-Alpes”, assure Alexis Marcadet qui prévoit même une forte demande dans cette région. Ce qui devrait justifier le troisième étage de la fusée : l’ouverture d’un centre support par Revolte e-garages en Auvergne-Rhône-Alpes. “Si on reçoit à Nantes beaucoup de pièces complexes à réparer venantde cette région, ce sera pertinent de s’installer sur place.”
Les fondateurs de Revolte e-garages ont une autre ambition : obtenir que les constructeurs autorisent et facilitent le changement des batteries des anciennes voitures électriques par des modèles offrant plus d’autonomie. Son premier combat : la Renault Zoé qui a largement contribué au succès de l’électrique depuis son lancement en 2013. Sa production va s’arrêter et Renault va commercialiser à l’automne 2024 une nouvelle électrique au design inspiré de sa fameuse R5.
Faut-il jeter à la casse toutes les Zoé encore vaillantes même si leur batterie est défaillante ? Non pour Alexis Marcadet. Au contraire, bien conçue, la Zoé est constituée de peu de pièces. Idéal pour durer “plusieurs dizaines d’années” selon les experts du Revolte e-garage.
Faut-il jeter à la casse toutes les Zoé encore vaillantes même si leur batterie est défaillante ? Non pour Alexis Marcadet. Au contraire, bien conçue, la Zoé est constituée de peu de pièces comme tout véhicule électrique. Beaucoup moins que son équivalent thermique. Idéal pour durer “plusieurs dizaines d’années” selon les experts du Revolte e-garage. A condition là encore de pouvoir la réparer pièce par pièce. Et s’il n’y a plus rien en neuf, de pouvoir se replier sur la filière du reconditionné qui se développe.
Faut-il forcément remplacer leurs batteries par des modèles d’origine, à l’autonomie limitée ? Non plus, car il est possible de les upgrader avec des batteries d’aujourd’hui. “On a testé un changement de batterie sur une des premières Zoé et cela fonctionne”, assure Alexis Marcadet.
Si, techniquement, c’est possible, qu’est-ce qui bloque ?
“Des choix de politique publique ou de politique commerciale”, affirme Alexis Marcadet. En effet, remplacer une pièce par une autre peut faire perdre à un véhicule son homologation d’origine. Ce qui relève de la législation. Quant à un constructeur, il peut faciliter l’accès à sa technologie de l’époque, élargissant la réparabilité de ces anciens modèles. Ou multiplier les freins.
L’enjeu est sociétal. En effet, pour les fondateurs de Revolte e-garages, les 100 000 Zoé vendues pourraient “vivre 50 ans”, permettant à leurs propriétaires d’éviter les conséquences financières d’un nouvel achat. Peut-être même d’un modèle importé avec son impact carbone en termes de transports sans oublier le déséquilibre de la balance commerciale de la France. Céder sur le marché de l’occasion, elles rendraient aussi la mobilité électrique plus accessible alors que les prochaines étapes de la ZFE se rapprochent.
Faire durer ces Zoé 50 ans, c’est moins ambitieux que le slogan de départ de Revolte e-garages qui est de faire durer nos voitures électriques 100 ans… mais c’est la même idée.
Ce qui fait clairement écho à une tendance aujourd’hui perceptible avec le succès de la pétition lancée par l’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée) qui a déjà obtenu la mise en place d’un indice de réparabilité pour certains objets. Sa cible justement : les voitures thermiques et électriques “jetables”. En effet, les modèles thermiques récents, tout autant bardés d’électroniques, montrent de plus en plus de signes précoces de faiblesse face à des réparateurs manquant là-aussi de repères.
Evidemment, pour que les voitures électriques deviennent centenaires, il faudrait qu’au-delà de la batterie, tous les autres éléments tiennent aussi longtemps. Or, certains constructeurs calculent la durabilité de leurs pièces au plus juste. Ou que ces voitures soient globalement réparables pièces par pièces, pas seulement pour leur motorisation.
Au point qu’on pourra peut-être un jour se poser, pour la voiture électrique, la question philosophique du bateau de Thésée, ce héros de la mythologie grecque dont l’embarcation a été tant de fois réparée qu’elle ne contient plus aucune pièce d’origine. Est-ce toujours la même ?