VAE PLIANTS
La saga d’EOVOLT
Inventeur d’un VAE pliant intelligemment conçu, Baptiste Fullen, 29 ans, et Lucas Chevalier, 28 ans, viennent de lever 16 millions d’euros pour assurer le développement d’Eovolt. Cette nouvelle marque s’est imposée en moins de quatre ans, passant de 370 à 18 000 vélos produits par an grâce à sa nouvelle implantation à Genas. Par Lionel Favrot
C’est en Chine que Baptiste Fullen et Lucas Chevalier ont eu l’intuition du succès à venir des vélos à assistance électrique. En 2016, Baptiste Fullen travaille dans une société permettant aux entreprises de financer l’achat de leurs stocks. Lors d’un salon international, il essaye un VAE. “Avec Lucas, on a vraiment eu le déclic ! On a tout de suite été persuadés que l’assistance électrique allait révolutionner les déplacements urbains.” Mais de retour en France, ces deux jeunes ne sont pas satisfaits par les modèles commercialisés à l’époque chez les vélocistes. “Même les VAE pliants nous ont paru lourds et encombrants”, se souvient Baptiste Fullen. “Du coup, on a dressé un premier cahier des charges d’un vélo pliant idéal.” Lui-même précise avoir toujours eu un profil entrepreneur. “Quand j’étais ado, j’achetais des lampes à pétrole sur les brocantes et je récupérais des bandes-annonces dans les cinémas pour les revendre sur e-bay. Pour payer les études, j’ai fait la même chose avec des produits de télé-achat.” Quant à Lucas Chevalier, c’est un champion de VTT de descente qui connaît aussi bien l’univers du vélo pour avoir travaillé chaque été dans des boutiques spécialisées.
ROAD-SHOW
“On a repris tous les éléments à la base. Exemple : la batterie. Ces coques en plastiques greffées sur le porte-bagage ou le cadre, on trouvait cela moche. On a étudié la possibilité de la positionner dans la tige de selle. De là, il fallait repenser le positionnement du contrôleur qui est le cerveau du vélo”, raconte Baptiste Fullen. Les idées posées, ils vont faire le tour des fournisseurs potentiels pour le cadre, les roues, les batteries… “Ce roadshow d’un an nous a été très utile car les bureaux d’études de ces sous-traitants nous ont expliqué ce qui était réalisable et ce qui ne l’était pas. Ils nous ont aussi suggéré des améliorations”, poursuit le cofondateur d’Eovolt.
Après avoir sourcé de quoi créer leur vélo, ils assemblent deux premiers prototypes viables en 2017. Ce qui leur permet d’enchaîner par un démarchage de boutiques vélo à Paris pour l’un et Marseille pour l’autre. “J’habitais Orléans et je prenais le train avec mon VAE pliant”. Beaucoup de ces professionnels s’inquiètent de l’absence de SAV si leur projet tourne court mais ils ont assez de pré-commandes pour se lancer. La production débute en 2018, dans un local à Bourges prêté par le père de Lucas, un ingénieur qui travaille dans l’automobile. 370 VAE sont produits. Mais il leur faut vite pousser les murs et changer de local, ce qui permet de sortir 1 400 VAE en 2019. Ce qui va s’avérer de nouveau trop étroit. “On n’avait pas d’attaches à Bourges et on a étudié la meilleure implantation pour notre projet. Lyon nous a semblé le meilleur compromis. Bien placée logistiquement parlant et pas trop loin de la nature, elle permet un recrutement dynamique”, résume Baptiste Fullen. Une rencontre va être décisive, celle de l’Aderly. “Son équipe s’est vraiment mobilisée pour nous accueillir dans la Métropole de Lyon. Elle nous a déroulés le tapis rouge. Elle nous a même aidés à recruter.” Malheureusement, le propriétaire du premier bâtiment se rétracte quand Emmanuel Macron annonce le premier confinement. Retour à Bourges donc. Mais la décision de s’installer est prise et Eovolt trouve une ancienne usine d’aluminium à rénover dans la zone industrielle de Genas, près de la Rocade Est. “On est passé de 300 à 2 400 m2. Tout notre ancien matériel tenait dans un seul semi-remorque. Quand on l’a vu perdu au milieu de ces locaux, on a presque pris peur”, se remémore Baptiste Fullen. Mais c’est un nouveau départ réussi. “On a aménagé un atelier avec une ligne d’assemblage de 30 m de long, un service logistique, un point SAV, un atelier de prototypage. Et surtout, on a tenu à créer un lieu convivial où se retrouvent tous les collaborateurs, aussi bien ceux de l’atelier que des bureaux. Quand on organise des séminaires type escape game, on associe également tout le monde”, insiste Baptiste Fullen.
Le déménagement à Lyon a permis de développer la production de 3 800 VAE en 2020 à 9 500 en 2021 et de viser les 18 000 cette année 2022. Arrivée avec un effectif de 5 collaborateurs, Eovolt emploie désormais une quarantaine de salariés. Et de nombreux recrutements sont en cours. Avec 600 revendeurs indépendants et de toute taille en Europe, 50 % des ventes se font à l’export. Royaume-Uni, Allemagne, Benelux, Espagne, Italie, Europe de l’Est… Par exemple Cyclable et Neige et Cailloux à Lyon.
Cette start-up en pleine croissance avait besoin d’investisseurs. Eovolt a confié cette recherche à une banque spécialisée. Plusieurs fonds se sont portés candidats. C’est finalement Raise et la financière Arbevel, deux fonds à impacts qui privilégient les entreprises impliquées dans la transition écologique, qui ont signé pour 16 millions d’euros. “On a pu passer en 2×8 depuis début octobre, de 6h à 22h contre 7h30-16h30. Cette augmentation de nos capacités de production permet de répondre à une demande croissante.” Les fondateurs d’Eovolt ambitionnent de conforter leur implantation en Europe mais aussi de saisir d’autres opportunités, notamment au Canada et en Australie, en faisant davantage rayonner leur marque à l’international. “Quelques chiffres pour situer le marché, précise Baptiste Fullen. Il se vend plus de VAE en France que dans l’ensemble des États-Unis et quatre fois plus en Allemagne qu’en France… Le marché est donc encore très concentré en Europe.” Reste à s’approvisionner davantage en France. “On a trouvé les jantes, les rayons et les machines pour les assembler chez Mach1à Saint-Etienne mais moteurs, batteries et cadres viennent d’Asie. Non pas parce qu’ils ne sont pas chers, au contraire, mais parce qu’ils maîtrisent le savoir-faire et disposent des capacités de production. S’il y a des projets d’industrialisation en France, on est prêt à s’engager sur des volumes.”
INTERMODALITES
Le VAE pliant d’Eovolt n’a jamais cessé de s’améliorer au fur et à mesure des retours de ses clients. Perfectionnement du système de pliage, aimant pour tenir les roues ensemble, caches pour faire disparaître visuellement les soudures… Mais les fondamentaux ont été préservés : compacité, légèreté, qualité… “Notre tour des boutiques vélo nous a appris que le SAV était essentiel. Chaque vélo est essayé avant d’être expédié.” Au modèle 16 pouces des débuts, le Morning, Eovolt a ajouté un 18 pouces, l’Aftternoom, toujours pliable mais plus confortable et un 21 pouces, l’Evening, qui ne se replie que partiellement, ce qui facilite quand même le transport et le rangement tout se rapprochant d’un “vrai vélo”. Le premier autorise 50 km d’autonomie et les deux autres, 100 km, pour un poids de 15 à 23 kg. Les prix s’échelonnent de 1 700 € à 2 100 € TTC. La majorité des clients sont des habitués de l’intermodalité des modes de transports. Habitants l’extérieur de Lyon par exemple, ils vont aller à la gare en VAE, le plier pour prendre le train puis le bus par exemple avant de reprendre leur vélo pour rejoindre leur travail. Au final, leurs trajets vélo ne font que 2 à 10 km mais ils peuvent se passer de voiture. Autres clients : les propriétaires de camping-car ou de yachting qui apprécient aussi d’avoir un modèle compact. “Rouler à vélo avait la réputation d’être dangereux mais le développement des voies réservées améliore la sécurité de ces déplacements. Les VAE ont la réputation d’être lourds et encombrants, les nôtres se plient et se poussent comme une valise. Avec ses vélos pliants, Eovolt veut supprimer les freins à des transports plus propres.”
Article publié dans Mag2Lyon N°149 – octobre 2022