JE ROULE VERT

Salon AlternativAuto L’éco-mobilité en débat

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Lancé en 2013 à une époque où l’électrique suscitait une certaine curiosité, le salon éco-mobilité de Mag2Lyon est revenu fin novembre dans une ambiance plus tendue. Les vidéos “d’électro-bashing” atteignent désormais des records de vues sur internet. Loin des idées reçues, AlternativAuto permet de tester par soi-même. Par Lionel Favrot

“Merci pour l’organisation de ce salon, votre accueil et vos explications. Nous avons passé un bon moment. Ce salon était très agréable. Surtout le fait de pouvoir essayer des véhicules sans pression d’achat”, nous a écrit Maud Brunet, quelques jours après la 7e édition d’AlternativAuto en nous encourageant “à continuer sur cette lancée.” Cet évènement offre la possibilité de tester les nouveaux modèles avec des “product genius” qui assurent leur présentation. Les concessionnaires étant bien sûr présents sur les stands pour accueillir les visiteurs.
L’une des voitures électriques les plus essayées cette année sur le salon a été la Fiat 500 électrique. “Certains visiteurs découvraient l’électrique, d’autres à la fois l’électrique et la boîte automatique”, précise Lionel Erhard qui assurait ces essais. “Un monsieur de Villeurbanne est venu au salon après avoir vu les affiches. Roulant en Golf diesel, il se demandait s’il n’allait pas faire le grand saut”, raconte Cédric Mathevet, son collègue qui assurait pour sa part des démonstrations d’écoconduite : “Il a été ravi d’apprendre à optimiser son autonomie.” Cet essayeur a notamment accueilli trois étudiants en mathématiques : “Je les ai accompagnés dans cette découverte de l’univers électrique et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette nouvelle génération adhère clairement à cette technologie.”
Certains visiteurs ont tout essayé, vélo et quadricycles, afin de finir par un essai voiture. “La tendance est d’aller, pour l’électrique, vers des voitures citadines, légères et maniables”, note Cédric Mathevet. Le panel de modèles à essayer était particulièrement large. Peugeot, Citroën, Opel, Fiat, Alfa-Roméo, Jeep… De la citadine à l’utilitaire 100 % électrique sans oublier des hybrides comme l’Opel Astra, la Citroën C5 Phev ou l’Alfa Romeo Tonale.
Ce développement de l’offre électrique arrive malheureusement dans un contexte troublé, bien différent des années pré-Covid où cet évènement s’était développé du Double Mixte à la Cité Internationale en passant par le Palais des Sports et la Sucrière. De marginale, l’électrification est devenue une priorité pour tous les constructeurs. Avec des moteurs 100 % électriques, ou une hybridation essence-électrique plus ou moins poussée. Les hybrides simples se rechargent eux-mêmes en roulant, avec des hybridations légères ou des modèles dotés de batteries plus importantes qui réduisent sensiblement la consommation.
L’équilibre le plus abouti étant les hybrides rechargeables qui se rechargent également sur une prise avec une autonomie tout électrique de plusieurs dizaines de kilomètres, le moteur thermique prenant le relais pour les longues distances. Première surprise, un rassemblement de voitures électriques ne va toujours pas de soi en 2022. On nous a même fait part des demandes les plus farfelues lors de l’organisation de ce salon comme celles d’éloigner les voitures électriques de 8 m l’une de l’autre ou d’interdire toute recharge sans surveillance. En fait, des incendies, souvent dus à des installations bricolées, notamment sur des batteries de vélo, ont crispé ceux qui découvrent cette technologie. Mag2Lyon a bien entendu confié le branchement des bornes à des techniciens qualifiés IRVE, en l’occurence la coopérative LS Services qui commercialise la marque Isiohm.

DROIT À LA PRISE
Plusieurs facteurs contrarient le développement de l’électrique. Conjoncturel tout d’abord car la livraison des nouveaux modèles reste ralentie par la pénurie sur de nombreuses pièces. Ce qui entraîne des frustrations pour les acheteurs potentiels. Technologique car la faible autonomie de certains modèles interroge. Dans certaines gammes, on peut être séduit par des petites polyvalentes frôlant les 400 km et tout aussi surpris que dans la catégorie supérieure, une familiale ne fasse guère mieux. En fait, les constructeurs n’augmentent pas suffisamment la taille des batteries pour éviter un prix encore trop élevé. Facteur psychologique aussi. L’autonomie des électriques couvre les trajets quotidiens et même certaines escapades en week-end, quitte à croiser au moins un point de recharge au retour. En revanche, de plus longs trajets exigent davantage d’organisation avec la crainte persistante qu’en cas de forts trafics, les bornes soient saturées. “Quand on annonce ces autonomies, nos clients nous reprochent de vouloir restreindre leurs libertés. Même s’ils dépassent les 500 km qu’une ou deux fois par an et même si le réseau de bornes se développe, ça les bloque”, témoignent des commerciaux. D’autres, au contraire, roulent déjà au quotidien en électrique et considèrent que leur expérience personnelle peut leur permettre de convaincre. D’ailleurs, certains se battent eux-mêmes pour exercer leur droit à la prise dans leur logement. Même pour un professionnel, cela n’a encore rien d’évident à Lyon.
En effet, le déploiement des réseaux des bornes de surface ne répond pas à toutes les inquiétudes. Comment recharger quand on habite dans un collectif ? C’est une question récurrente qu’on a entendue à l’accueil du salon. En théorie, chaque copropriétaire ou locataire dispose d’un droit à la prise depuis la loi du 12 juillet 2010 en application du Grenelle de l’Environnement organisé par Nicolas Sarkozy. C’est-à-dire qu’on peut adresser une demande au syndic en ce sens, directement ou via son bailleur. Concrètement, ce système n’a pas marché car malgré cette obligation légale, peu de gens ont osé affronter un syndic léthargique ou des voisins peu motivés. Du coup, l’État a décidé de mettre la balle dans le camp des syndics. Ces professionnels ont jusqu’au 1er janvier 2023 pour inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée générale, l’étude d’une telle installation. Cette nouvelle obligation tarde encore à produire ses effets. “Le syndic a abordé cette question en AG mais il ne nous a présenté qu’une seule offre ! Impossible de se prononcer sans concurrence. Du coup, le dossier n’avance pas”, témoigne Marc, un Villeurbannais venu à AlternativAuto. Des opérateurs lyonnais de bornes comme Wellborne ou Monabee étaient là pour répondre à ses questions. Mais ses interrogations sont révélatrices d’un sujet qui, en 13 ans, a peu avancé ou très lentement. Sauf dans les immeubles neufs, où c’est obligatoire depuis mars 2021. Conscient de cette situation, la Métropole veut inclure “un volet habitat collectif” dans le déploiement de son réseau de bornes. Facteur polémique voire politique enfin. Les pro et les anti électriques se livrent désormais à un combat quasi-religieux. Prenons deux voitures intéressantes exposées sur le salon. La Peugeot e 208 qui connaît déjà un beau succès, ou encore les versions électriques des Opel Corsa et Mokka. Elles sont toutes les trois la cible des vidéos de youtubeurs affirmant que leur essai était “le pire test de leur vie” ou “la pire galère”. La vidéo “Une journée en enfer avec l’Opel Corsa Electrique” atteint près de 430 000 vues, plus que des essais équilibrés de journalistes professionnels mettant en avant les limites et les avantages de l’électrique. À la clé, plus de 3 600 commentaires majoritairement critiques. Exemple : “Nos « élites » nous envoient dans le mur, imaginez un départ en vacances avec que des voitures électriques… bon courage à nos enfants !” Aucune voiture thermique n’a droit à un tel traitement. La Suisse a récemment annoncé qu’elle pourrait restreindre la circulation des voitures électriques en cas de tension sur son réseau cet hiver. Ce qui va apporter des arguments à ces électro-sceptiques. ÀLyon, la polémique fait rage sur la ZFE et quand Fabien Bagnon, président de LPA, a annoncé un développement des places réservées aux voitures électriques, l’opposition l’a aussitôt accusé de diminuer le nombre de places de stationnement. Cela paraît complexe de satisfaire tout le monde.

BOUCLE DES EXCLUS
L’hybride pourrait s’imposer comme la solution consensuelle. Sauf que l’Europe a décidé d’interdire la commercialisation de tout véhicule thermique neuf en 2035. Y compris les hybrides. Cela signifie quand même qu’on peut en acheter pendant les 13 ans à venir et rouler au-delà. Sans compter les achats d’occasion pendant les années suivantes. Cette décision, conjuguée à la mise en place de la ZFE, sème cependant le trouble. Est-ce que les ZFE ne finiront pas par être interdites également aux thermiques, même si elles affichent un Crit’Air 1 ? Pour l’instant, les différentes restrictions s’arrêtent au Crit’Air 2, ce qui suscite déjà des réactions. Une association, 40 millions d’automobilistes, fait même un tour de France anti-ZFE. Cette “grande boucle des exclus” s’est arrêtée le 19 novembre dernier à Lyon. L’objectif de cette association est de recueillir des témoignages dans toute la France pour en faire un documentaire et demander le report du calendrier de la ZFE. En effet, même si les écologistes lyonnais sont critiqués pour son application, ils y sont tenus par un calendrier national des ZFE que seul l’État peut remettre en cause. Ce qui reviendrait pour la France à nier ses engagements climatiques pour une mobilité décarbonée. À ce jour, seule une député RN a repris cette proposition. Mais certains craignent une “bombe sociale” au moment de l’interdiction des Crit’Air 3 et 2, encore très nombreux sur la route.
Au final, force est de constater que certains automobilistes en concluent qu’il ne faut surtout pas se presser à acheter électrique car l’État pourrait renoncer à ce calendrier face à une grogne type bonnets rouges ou Gilets jaunes. Même si les aides déployées, par le Grand Lyon et l’État, pour les ménages à faibles revenus, sont désormais significatives En revanche, la situation des entreprises est différente. Certaines se trouvent déjà dans l’obligation légale de verdir leur flotte. La loi climat et résilience d’août 2021 a même durci les obligations de la loi d’orientation sur les mobilités de 2019 avec quatre échéances pour tout gestionnaire direct ou indirect d’une flotte supérieure à 100 véhicules : 10 % du renouvellement en “faibles émissions” à partir du 1er janvier 2022, 20 % à partir du 1er janvier 2024, 40 % à partir du 1er janvier 2027, et 50 % à partir du 1er janvier 2030. Ces gestionnaires de flottes se sont saisis du problème et pour la plupart, ils confient cela à des sociétés spécialisées dans ce “fleet management”. Quant aux TPE et PME disposant d’un parc auto plus petit, certaines attendent le report, d’autres ont déjà électrifié leur parc en profitant justement des aides du Grand Lyon pour les professionnels.
“Il y a cependant une forme de non-dit. Beaucoup d’entreprises choisissent encore l’hybride alors qu’une électrique suffit à couvrir leur zone d’activités. La raison : ces voitures servent aussi aux collaborateurs à partir en week-end”, confie un cadre venu visiter le salon dont l’entreprise dispose d’une flotte de 50 véhicules tous hybrides. 70 % des voitures neuves étant achetées par des entreprises, contre 50 % il y a 10 ans, cela soutient le marché des voitures électrifiées. Ce salon a aussi été l’occasion d’élargir la présentation aux véhicules intermédiaires. Légers comme l’EV4 et l’Acticycle, proche en aspect d’une voiture, sans en être une, comme la Bagnole fabriquée par Kilow en Haute-Savoie, ils offrent une solution économique pour les déplacements quotidiens. Le slogan de Kilow qui a développé un véhicule électrique, 4×4 et sans permis : “moins c’est mieux” ! En tout cas, son design réussi a attiré l’attention des visiteurs. Pour que le consommateur trouve ses repères, la seule solution est une information fiable sur les performances des électriques et des hybrides, mais aussi sur les étapes réelles de cette ZFE et de ses dérogations. D’ailleurs, on a pu constater à ce salon que le Mag2Lyon le plus rapidement épuisé à l’accueil était celui annonçant en couverture un dossier “la ZFE sans stress”…

Article publié dans Mag2Lyon décembre 2021 – cahier AlternativAuto

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