Plus confortables que les vélos et moins encombrants qu’une voiture, les véhicules intermédiaires sont la nouvelle tendance de l’écomobilité. Plusieurs inventeurs travaillent à la mise au point de ces modèles légers. Entretien avec le Lyonnais Benoit Tholence, porte-parole d’AVELI, l’association nationale qui les rassemble et qui vient de sortir le prototype de son Sanka désormais en tournée découverte. Par Lionel Favrot
Comment êtes-vous arrivé à ces véhicules intermédiaires ?
Benoit Tholence : Tout est parti de ma rencontre avec les vélomobiles, ces vélo-couchés.Très aérodynamiques, ils ont pour particularité de pouvoir aller assez vite. De plus, ils sont adaptés aux personnes souffrant de pro- blèmes de dos ou de soucis cardiaques car avoir les jambes à plat favorise la circulation. Mais ils ont l’incon- vénient d’être très bas. Ce n’est pas une position adaptée à la ville. On manque de visibilité. Ils sont aussi chers.
Mais ces vélomobiles ont quand même attiré votre attention?
Oui, je suis passionné par la mobilité en général. Je me suis rapproché des vélomobilistes qui représentent une niche dans la niche. A peine 500 pratiquants en France. J’ai découvert toute une commu- nauté sympa. On a organisé des évènements, des essais… Et comme je suis ingénieur ECAM de formation, j’aime comprendre comment chaque nouvel objet de mobilité fonctionne. Je voulais aussi lancer un pro- jet qui ait un impact sur la société. De là, je me suis dit qu’il fallait proposer un nouveau véhicule, moins complexe et moins élitiste qu’un vélomobile.
Quelle a été votre méthode?
J’ai analysé tout ce qui s’est fait depuis une cinquan- taine d’années et qui n’a pas marché. Très souvent, il s’agissait d’inventeurs “fous” ou d’ingénieurs qui réali-saient l’objet de leurs rêves. Moi, j’ai voulu partir de l’usage en me posant une question simple. Quel véhicule léger pourrait rem- placer la deuxième voiture des ménages uti- lisée pour des petits trajets, souvent à peine 10km?Cequim’aamenéàuneautreré- flexion : quelles sont les réticences pour pas- ser au vélo?
C’est ainsi que vous avez découvert les véhicules intermédiaires?
Je n’étais pas encore conscient de concevoir un véhicule intermédiaire. C’est en lisant les travaux d’Aurélien Bigo, un expert de la transition énergétique dans les transports, et Frédéric Héran davantage spécialisé sur les véhicules intermédiaires que j’ai fait le lien!
Votre idée?
Reprendre les codes de la voiture mais l’état-d’esprit du vélo avec un véhicule à assistance électrique offrant une autonomie de 50 à 60 km. De la voiture, j’ai voulu gar- der le confort et la hauteur d’une position assise. On entre dans le vélo. Pas besoin de se dandiner comme dans un vélo-couché. On est protégé des intempéries et il y a aussi des clignotants. Et bien sûr, on bénéficie de la stabilité d’une voiture grâce aux 4 roues. Assis comme sur un scooter, on peut être un adulte et deux enfants ou deux adultes.
Qu’avez-vous pris au vélo ?
Le côté nature. C’est un modèle capotable et non décapotable. Cela veut dire qu’on peut rouler en priorité cheveux au vent. Mais aussi le côté actif : il faut pédaler pour avancer. Du vélo, j’ai aussi retenu la légè- reté, la simplicité et la durabilité pour que cela soit simple à entretenir et à réparer. J’ai aussi conservé un encombrement ré- duit pour permettre de rouler sur les pistes cyclables. Il peut aussi emprunter des che- mins à la campagne, donc réduire la distance par rapport à une voiture obligée de passer par le bitume. On peut être deux ou emporter des bagages. La base line de mon projet Sanka, c’est : il va vous faire aimer le vélo !
Où en êtes-vous de votre développement ?
On a un prototype qui roule et on propose ce démonstrateur à l’essai dans toute la France. On a été aussi bien à Sain-Bel près de Lyon, en Chartreuse en Isère, ou encore au Havre, à Chantilly, à Nîmes…. Plus de 300 personnes ont déjà pu le tester. On organise aussi des conférences de sensibilisation. Par exemple récemment à Charlieu dans la Loire.
Quelles sont les caractéristiques de ce prototype ?
Il mesure 90cm de large pour 1,60 de haut, et pèse une soixantaine de kilos. Cela suffit pour transporter deux personnes avec une autonomie d’environ 560 km. L’objectif reste toujours d’offrir une alternative à la voiture sur des trajets inférieur à 10 km, en particulier dans les secteurs ruraux où il y en a très peu pour ceux qui ne passent pas au vélo.
Avez-vous le droit d’aller sur les pistes cyclables ?
Sur les voies vertes type ViaRhôna, oui mais sur les pistes cyclables, non. Pourtant, le Sanka n’est pas plus large qu’un cycliste si on tient compte du gabarit dynamique d’un vélo, c’est-à-dire le fait qu’il oscille en avançant. C’est un point qu’on espère faire évoluer avec l’association. Ceci dit, dans les territoires ruraux, il y a rarement l’équiva- lent des pistes cyclables urbaines, au mieux des bandes cyclables tracées au sol.
Les barrières l’imitant l’accès aux voies vertes gênent les véhicules intermédiaires ?
Oui mais de plus en plus de collectivités locales démontent ces barrières car elles ont provoqué des accidents. De plus, elles bloquent les vélos cargos et les véhicules in- termédiaires sans empêcher les scooters de se faufiler, ce qui est pourtant leur objectif.
Ces blocages sont moins fréquents en ville ?
On trouve parfois des poteaux verticaux à l’entrée des voies vélo. Là aussi, les collecti- vités locales sont plutôt en train de les reti- rer. En tout cas, le CEREMA, l’organisme d’Etat chargé de conseiller et d’assister les territoires sur ces sujets de transition, recommande de supprimer ces barrières et ces poteaux. Ils ne remplissent pas leurs objectifs tout en provoquant des accidents de cyclistes, parfois mortels. En fait, il n’y a pas tant de scooters qui le font et le plus ef- ficace, c’est de les verbaliser jusqu’à ce que le message passe.
Quels sont les premiers retours de votre tournée de démonstration ?
Les gens découvrent un vrai plaisir de conduire alors qu’au début, ils avaient des doutes. On nous a aussi fait des retours sur l’accès à bord qu’on doit faciliter. On a aussi constaté que les personnes mesurant plus d’1m90 ne sont pas assez confortablement installés. Mais c’est très difficile de satisfaire toutes les morphologies !
Est-ce qu’il y a d’autres projets de véhicules intermédiaires en France ?
Oui. J’ai recensé 120 initiatives. C’est ce qui a amené Gabriel Plassat, à lancer l’eXtrême Défi, subventionné par l’ADEME, pour les aider. Le Sanka a été lauréat de l’eXtrême Défi, qui propose une aide de 10 000 € pour l’idéation puis de 30 000 € à 50 000 € pour continuer le projet. On a créé l’AVELI, l’association des véhicules intermédiaires, pour les promouvoir.
Cette catégorie des véhicules intermédiaires reste trop méconnue? Oui. On souffre d’une réputation de “savant fou”. On veut travailler notre crédibilité. A plusieurs, c’est réalisable. Il y a aussi la question réglementaire. Qu’est-ce qu’un vélo? Selon la législation, c’est soit un véhicule limité à 25 km/h, soit un véhicule qui a maximum trois roues, par référence au triporteur du laitier. Mais un quadriporteur relève de la catégorie vélo… Du coup, si je respecte certains textes, je pourrais dire que Sanka est un vélo à 4 roues.
Comment sortir ces véhicules intermédiaires de l’anonymat ?
Sortir de la vision d’ingénieur car parler de catégories L6 ou L7, cela ne dit rien à personne. Expliquer qu’on n’est ni un vélo ni une voiture, ce n’est pas très positif. Il faut afficher ce qu’on propose. Il y a donc un travail de catégorisation et d’identification tant auprès des autorités que du grand public. Plutôt que de dérouler des arguments rationnels pour défendre les véhicules intermédiaires, il est plus efficace de faire essayer.
Entretien publié dans le hors-série Développement durable de Mag2Lyon édition 2024,
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Photo : Benoit Tholence au volant du prototype du Sanka Cycle @DR